Chapitre 8

Durant tout l‘après-midi, Mai Ly errait comme une âme en peine depuis qu‘elle avait revu Hoàng. Le jour suivant, elle se hasarda à emprunter à tante Trầm cent piastres pour prendre le microbus jusqu‘à Xóm-Củi. Elle disait vouloir aller rendre visite à monsieur et madame TÃn, ses anciens bienfaiteurs. Mais en réalité, elle voulait revoir le jeune homme. Elle n‘avait plus l‘esprit à aller chercher du travail. Il est vrai qu‘à seize ans, on rêve et on est vite amoureux. Le lendemain, Mai Ly alla jusqu‘à Xóm-Củi, en entrant dans le magasin Tấn Phát, elle aperçut immédiatement Hoàng assis à son bureau dans la pièce de devant, Mai Ly sentit son cœur sauter dans sa poitrine, elle essayait de garder son calme:
- Bonjour, Anh Hoàng!
- Tiens, Mai Ly! Tu viens d‘arriver?
- Je viens pour rendre visite à monsieur et madame Tấn, est-ce qu‘ils sont là?
- Non. Ils sont allés tous les deux chez les grands-parents à Thị Nghè. Il paraît qu‘il y a une réunion de famille chez eux... Assieds-toi.
Mai Ly à la vue de Hoàng tremblait de joie. Hoàng se doutait bien que Mai était là pour lui, c‘est pourquoi il faisait comme si de rien n‘était. Quant à Mai Ly, elle prétextait qu‘elle était là pour rendre visite aux Tấn pour se sentir un peu moins prise au piège, coincée.... Hoàng faisant l‘innocent, demanda:
- Est-ce que tu as du temps? Si oui, nous pourrions aller dîner au Vieux Marché chinois.
- Pas de problème, j‘ai du temps... Mais qu‘est-ce que je vais faire d‘ici ce soir ?
- Eh bien, tu n‘as qu‘à rester ici avec moi, je sais que les Tấn ne rentreront que tard ce soir.
Mai Ly sentait battre son coeur à tout rompre. Elle était littéralement sub-jugée, hypnotisée par la présence de Hoàng. Elle était obéissant à ses tendres impulsions sans penser à sa condition si précaire en ce moment sans logement, sans travail... et maintenant elle était perdue par cet amour qui la consummait. Elle était complètement absorbée par sa passion... de temps à autre elle glissait discrètement un regard vers Hoàng qui semblait s’absorber lui dans ses comptes.
Hoàng releva la tête et dit distraitement en consultant l’horloge:
- Il est déjà midi, le temps passe bien vite; c’est l’heure de fermer, allons à coté déjeuner; le repas doit être prêt, aujourd ‘hui il y a seulement chÎ Út. La nourrice est avec les Tấn.
Mai Ly et Hoàng se rendirent dans la maison de la famille à côté de la boutique. La voyant, Chị Út lui demanda immédiatement:
- Tiens, bonjour Mai Ly! Depuis quand es-tu là?
- Je suis arrivée depuis une heure ou deux et je suis restée avec Hoàng au bureau. Comment vas-tu?
- Bien, je te remercie. Tu n’as qu‘à rester déjeuner avec nous!
- Oui, merci.
Ils se mirent à table tous les trois, chÎ Út s’adressa à Hoàng:
- Hoàng ne trouvez-vous pas que Mai Ly est maintenant devenue une très jolie jeune fille?
Hoàng rit:
- Oui, très jolie... Il va falloir qu ‘elle grandisse un peu plus avant que je puisse la demander en mariage...! Je vais l’attendre jusque là !
Mai ly rougit, genée, elle essaya de répliquer:
- Penses-tu!... Hoàng a sélectionné toute une série, il peut même organiser un concours de beauté!
Chị Út se mit à rire:
- Ah, tu parles de ces petites pimbêches!.. Elles lui tournent autour, mais Hoàng ne s’est pas encore laissé prendre au filet. Mais méfies-toi quand même! Hoàng a déjà une jolie fiancée. Toi, mon garçon, de t’avises pas de faire la cour à Mai Ly, laisses la tranquille!
Mai Ly à ces paroles de Chị Út, se sentit foudroyée... ses oreilles bourdonnaient, elle n’entendaient plus rien, elle avait mal, très mal... son cœur se brisait dans un implacable étau, les larmes lui montaient aux yeux, elle essayait de garder contenance. La nourriture s’étranglait dans sa gorge, elle se demandait:‘’Mon dieu! Si ce que dit Chị Út c’est la vérité, que suis-je donc venue faire ici? Si je m’engage avec Hoàng je cours au-devant de beaucoup de déceptions!’’. Mai Ly essaya de demander:
- C’est vrai? Surtout, n’oublies pas de m’inviter à ton mariage!
Hoàng était un peu gêné:
- C’est juste une idée en air, il n’y a rien de précis encore, manges!  Et puis ce soir, je t’invite à La-Kay, au restaurant chinois.
- Oh non, je n’oserais pas! Si jamais ta fiancée me voit, elle va me crêper le chignon!
- N’importe quoi! Je te protègerai, cela n’arrivera pas...
Mai Ly essaya de demander encore à chị Út:
- Chị Út! Est-ce vrai que Hoàng va bientôt se marier?
- C’est la pure vérité, n’écoutes pas ce qu’il dit, il est en train de t’embobiner!
Hoàng regarda Mai Ly et s’adressa à chị Út:
- Oh là la, Chị Út! Vous êtes en train de me jouer un vilain tour, vous allez dissuader Mai Ly de répondre à mon invitation ce soir.
Après le repas, Mai Ly aida Chị Út à faire la vaisselle, puis ils retournèrent à la boutique. Ce n’était pas encore l’heure de l’ouverture Hoàng déplia un lit de camp en toile et fit allonger Mai Ly près de lui. Mai Ly sans savoir pourquoi obtempéra sans rien dire, le cœur et l’esprit brûlant.... Hoàng commença à lui prendre la main, puis lui caressa lentement, doucement les cheveux... il prolongea naturellement le geste doucement, il commença à chatouiller la peau si douce et sans s’arrêter peu à peu alla vers la poitrine tendue... Mai Ly était complètement tétanisée, elle ne pouvait plus bouger se laissant emportée par ces mains qui n’arrêtaient pas, bien au contraire elles se faisaient de plus en plus insistantes, jouant à déboutonner lentement une à une les dernières défenses du corsage, petit à petit fit apparaître les petits boutons en fleur, les mamelons rosés Hoàng n’arrêtait pas de les faire rouler tendrement entre ses doigts... Mai Ly restait toujours immobile sous les caresses Hoàng  ne sentant pas d’opposition s’enhardit toujours plus bas... Mai Ly restait toujours immobile, tétanisée... hypnotisée sous la violence des sentiments... Mai Ly sentait la sueur perler, elle avait peur, peur de perdre son bien le précieux, aujourd‘hui même sous la main de Hoàng. Elle réussit enfin à repousser violemment  celui-ci... les yeux embués de larmes, elle lui reprocha:
- Hoàng! Tu ne m’aimes pas, qu’ est-ce que tu fais?
Hoàng se leva et fit la tête:
- Eh bien quoi! Si tu m’aimes vraiment, tu peux bien m’offrir cela... il n’y rien de répréhensible!
Mai Ly se leva, rajusta ses vêtements:
- Je croyais qu ‘on allait juste s’allonger un peu pour se reposer quelques instants mais tu exagères. Je m’en vais, je n’ai pas envie d’aller dîner ce soir!
- C’est comme tu veux. Un autre jour alors, j’irai te voir à rue Hồng-Thập-Tự!
Mai Ly sans un mot repartit, elle marcha jusqu’au marché et monta dans le micro-bus à vélomoteur appelé Lam. Sur le Lam, la scène revint dans la mémoire de Mai Ly comme un cauchemar. Cependant, la pensée de Hoàng l’obsédait ainsi qu’un immense désarroi, elle se posait la question:‘’Mais pourquoi?! Pourquoi agit-il ainsi alors qu‘on avait même pas parlé d’amour!’’. Mai Ly était perdu dans ses pensées tandis que le véhicule arrivait au collège Pétrus-Kš. Mai Ly fit à pied le reste du chemin Hồng-Thập-Tự - Cao-Thắng.
Arrivé à la maison de madame Luong il était déjà plus de trois heures. Elle sonna puis rentra dans la maison, tout était calme, c’était encore l’heure de la sieste. Mai Ly repensa à sa recherche d’empli: ‘’Comment faire? Je ne peux pas rester indéfiniment ici!’’. Pensive, elle alla se changer, se vêtit d’un ensemble de couleur bleu, chaussa une paire d’espadrilles blanches et se couvrit d’un chapeau conique. Elle ouvrit le portail et sortit à nouveau. Elle s’engagea dans une petite ruelle, un grand arbre cachait parmi ses feuilles recouvertes d’un fin duvet, de minuscules fruits à peine plus gros qu’une groseille, parfumés et sucrés, d’un rouge savoureux lorsqu’ils sont murs; à cause de la petitesse des fruits et leur goût très fin, les Saigonnais l’appellent - l’arbre au caviar - Mai Ly s’arrêta pour déguster ce caviar de fruit qui faisait le délice de tous les enfants. Avisant une villa qui lui semblait bien d’aspect, rassemblant son courage à deux mains elle fit tinter la sonnerie. La réponse arriva du fond de la cour:
- Qui est là... Qui êtes-vous?
- Bonjour, madame. Je voudrais voir Madame s’il vous plait!
- Madame fait la sieste. Si vous avez quelque à dire, vous pouvez me le dire, Madame ne se lève qu’à six sept heures.
- C’est que je cherche du travail.
- Ah bon! Alors, revenez vers sept heures, je n’ose pas aller chercher Madame à cette heure-ci.
- Très bien, je vais revenir tout à l’heure alors.
Soudain, à l’étage, du balcon résonna une voix:
- Qu’est-ce qui se passe? Qui est-ce?
- Il y a une jeune fille qui cherche du travail, Madame!
- Très bien! Dis-lui qu’elle entre, je descends dans un instant.
La femme de service fit entrer Mai Ly dans l’arrière-cour. Mai Ly repensait sans arrêt à ce qui s’était passé entre elle et Hoàng. Au fond d’elle-même, elle nourrissait un tendre sentiment pour celui-ci mais se posait encore beaucoup de questions. Elle pensait: ‘’Dans combien de temps... plus d’abri, sans rien pour subsister, comment faire? Que vais-je devenir!’’. Actuellement dans le cœur de Mai Ly se levait l’appel de l’amour qu’elle maîtrisait difficilement. Le bruit des pas la tira de ses sombres pensées, Mai Ly s’empressa de se lever pour se présenter:
- Bonjour, Madame.
- Vous cherchez du travail?
- Oui, c’est bien cela.
- Comment vous appelez-vous?
- Je m’appelle  Mai Ly.
- Quel beau nom! Quel âge avez-vous?
- J’ai déjà seize ans.
La femme regarda Mai Ly de haut en bas. Elle détailla ses mains soignées aux ongles bien taillées. La femme continua:
- Quelles sont vos compétences?
- Tous les travaux de la maison, je peux faire le lavage, repassage, la garde d’enfants...
- C’est bien, j’ai actuellement besoin de quelqu’un pour accompagner mon benjamin à l’école, est-ce que vous connaissez le travail?
- Oui, je l’ai déjà fait auparavant.
- Combien désirez-vous par mois?
- C’est comme vous voulez. Je voudrais être logée, nourrie ; vous me donnez un peu d’argent de poche, cela me suffira.
- Quand pouvez-vous commencer? C’est d’accord, je vous prends à mon service.
- Je peux commencer demain, est-ce que ça vous va?
- C’est d’accord pour demain! Bien, je vous donnerai six cents piastres par mois.
- Merci, Madame. A  demain.
Mai Ly ayant trouvé du travail, se sentit le cœur allégé. En sortant, elle regarda le ciel, le soleil perçait à travers les nuages qui s’effilochaient dans l’azur. L’image de Hoàng la poursuivait sans cesse. Ses pas la ramenaient lentement vers la maison de madame Luong, dans son cœur se mélangeaient joie et tristesse... Dès son retour, elle retrouva Chị Tám et Tante TrÀm en train de préparer le repas du soir. Tante Trầm lui demanda:
- Est-ce que tu as pu trouver du travail? Mais pourquoi es-tu donc si triste?
- ça y est, j’ai pu trouver quelque chose. Je commence demain. Je ne suis pas triste!
- Qu’est-ce que tu as trouvé comme travail?
- Je dois garder un garçon de cinq ans, l’accompagner à l’école
- Combien as-tu réclamé comme salaire?
- Elle m’a proposé six cents piastres par mois.
- C’est un peu juste! En ce moment, pour ce travail, on donne huit cents piastres
- Oh, vous savez. Je cherchais surtout nourriture et gîte. Si on ne me paie un petit peu moins, cela n’a pas grande importance!
- Ce soir, quand Monsieur et Madame Luong rentreront, tu n’oublies pas de les remercier pour leur accueil.
- Je le ferai certainement, sans faute.
- Je suis heureuse pour toi, je prie le ciel pour que ton travail ne soit pas trop pénible et que tu puisses avoir une certaine stabilité.
- Merci, ma tante. Je vais aller me rafraîchir un peu.
Le ciel commençait à s’éclairer, les rayons se levaient, la brise d’automne remuait légèrement les feuilles jaunies, qui voletaient de ci de là avant de recouvrir les dalles de la cour. Il est déjà sept heures du matin, tout le monde vaquait à son travail sans poser de question, chacun connaissait son travaille le faisait comme tous les jours. Il n’y avait que Mai Ly qui est l’intruse, mais elle allait bientôt quitter cette maison. Elle était réveillée mais restait encore allongée, car elle avait pensé toute la nuit à Hoàng... puis à son travail futur, joie mais aussi doute et tristesse l’assaillaient. la voix de la Tante Trầm l’appelait:
- Mai Ly! Prépares-toi. Ton déjeuner est prêt. Mange d’abord un peu, avant de te rendre à ton nouveau travail.
Mai Ly se leva, elle rangea ses affaires puis alla faire sa toilette sans un mot. Dans la cuisine, il y avait une petite table ronde sur la quelle était posée l’assiette de riz au porc émincé comme elle l’aime. Elle se mit à table, tante Trầm prit son cabas et son chapeau, voyant Mai Ly, elle lui dit:
- J’ai préparé ton plat préféré, je dois aller au marché maintenant. à quelle heure, dois-tu te rendre à ton nouveau travail?
- Oui, je dis demain, je viendrai...
- Dans ce cas, reste déjeuner avec nous. Je vais aller au marché chercher du poisson ; je te ferai du poisson salé grillé avec une soupe d’igname, tu aimes beaucoup ces deux plats, n’est-ce pas?
Mai Ly était émue:
- C’est vrai. Vous avez tant d’affection pour moi!
- Reste là avec Chị Tám, si tu t’ennuies, tu peux bavarder un peu avec elle, cela te distraira.
- Ne vous inquiétez pas, je dois préparer mes affaires pour cet après-midi, j’ai encore à faire.
 Tante Trầm partie au marché, Mai Ly assise devant son assiette repassait dans sa tête le film de son enfance. Elle se rappelait de celui qui l’a mise au monde, son père qui était aussi ce patriote nationaliste Héros de la Nation mort pour la patrie dans sa lutte anti-colonialiste.
A cause de cet idéal, il n’a hésité à braver la mort, laissant derrière lui une femme encore jeune et cinq enfants en bas âge. Elle évoquait avec émotion ce père héroïque qui lui manquait, parti alors qu’elle n’avait que cinq ans... Elle ne put retenir ses larmes, et la tête dans ses mains, elle pleura amèrement sa condition d’orpheline...
... Il était environ 9 heures, ce matin d’Avril 1950... Dans le jardin, la rosée scintillait encore sur les feuilles des arbres et sur les bananiers, le soleil était déjà haut dans le ciel, inondant la nature de ses rayons lumineux. À la porte de derrière, des coups pressants... Une voix chuchote inquiète:
- Hùng! Hùng! Les soldats français sont partout. Vite, sauvez-vous vite!
C’était Ba Truợng le fermier du grand père de Mai Ly, à qui on donnait le Titre de Monsieur le Grand Hạnh. Ba Truợng était un proche de monsieur Hùng et appréciait particulièrement la grande humanité de celui-ci. Ba Truợng avait à peine fini d’appeler monsieur Hùng que la maison était déjà complètement encerclée. Une dizaine de vietnamiens collabo accompagnaient un officier français à la barbe hirsute. Dans la maison, il y avait dans la pièce une cachette creusée dans le sol et sur laquelle on avait empilé un tas de fagots. Cependant, la cachette était connue par certains....
Dans le groupe qui venait d’entrer, il y avait un militaire français, de haute stature à la mine pathibulaire, une barbe hirsute, vêtu d’un treillis d’un jaune verdatre, le pistolet accroché à la taille. Quatre cinq vietnamiens l’accompagnaient, ils parlaient entre eux en français, puis l’assistant de l’officier français se dirigea directement dans la chambre en hurlant:
- Hùng, sors immédiatement de ta cahètte. Sinon une grenade suffira pour te réduire en bouillie!
Monsieut Hùng pensa rapidement:’’Ils vont le faire, ce n’est pas une menace en l’air!‘’.  Soudain la petite Duyên se précipita à la porte de la chambre pour arrêter les assaillants. Monsieur Hùng savait que c’était la fin pour lui: ‘’C’est fini! Ils savent parfaitement tout!’’. Monsieur Hùng n’a plus besoin de réfléchir. Il repoussa les fagots et sortit de sa cachette. Il fut aussitôt entouré par le groupe armé:
- Mets tes mains sur la tête! Au moindre geste et on t’abats comme un chien!
Monsieur Hùng demeurait immobile regardant tour à tour tous ceux qui l’entouraient bravant les gueules des canons de fusils pointés sur lui. Il était animé de cet idéal de patriote luttant contre le colonialisme oppresseur des français, le sang de héros bouillonnait dans ses veines. Il était en train de songer à une possibilité de fuite quand une voix conseilla:
- Hùng! Hùng! Rends-toi, ne crains rien. Ton père, Monsieur le Grand va te faire sortir sans problème.
C’était ce que lui conseillait monsieur Thuờng, qui était alors l’assistant de l’officier, mais qui était aussi le compagnon de jeux, le camarade de classe de monsieur Hùng. Il ne comptait pas sur la fierté de celui qui ne veut pas se rendre...le sang de héros coulait dans ses veines, oubliant jusqu’à sa jeune femme et ses cinq enfants en bas âge... monsieur Hùng sans hésitation repoussa violemment le camarade, l’ancien compagnon qui n’avait jamais eu le même idéal. Aussitôt, les balles crépitèrent... touché en pleine poitrine, le flot de sang jaillit, monsieur Hùng tué debout, s’affaissa lentement sur lui-même. La petite Mai Ly hurla de terreur, tous les enfants Hà, Hữu, Duyên pleuraient et hurlaient, Phúc qui  avait à peine cinq mois était encore dans les bras de sa mère, madame Hùng. Ils étaient tous regroupés dans un coin de la maison. Pendant la tragédie, Hai Tần, qui était chargé de surveiller le groupe de prisonniers... on ne sut pourquoi...? Dès que l’occasion se présenta, il dit rapidement à madame Hùng:
- Madame, essayez de disperser rapidement les enfants, envoyez-les chez les uns et chez les autres, il semblerait qu’il y a eu un ordre de donné pour vous exterminer tous, vous et les enfants aussi!
Madame Hùng à ces paroles de Hai Tần, sans plus attendre emporte Phúc, accompagnée des deux enfants Hữu et Duyên. Quant à Hà et la petite Mai Ly ils ont été recueillis c’était Ba Truợng, le compagnon du père qui les avait recueillis. C’était ainsi qu’ils purent échapper au pire. Et monsieur Hùng! Il était là allongé dans une mare de sang; monsieur Thuờng lentement s’avança pour constater qu’il était bien mort, mais il gardait les yeux grand ouverts regrettant de n’avoir pu réaliser son idéal. Monsieur Thuờng essaya en vain de lui fermer les yeux, il rendit compte à l’officier:
- Il est mort!
Que pensait, que ressentait Monsieur Thuờng à ce moment-là? Il y eut quelques instants d’un silence mortel, puis un accord:
- Il est mort Hùng! Vous pouvez prendre ce que vous voulez. Je ne voulais pas sa mort, mais malheureusement...
Monsieur Thuờng soupira... sortit dans la cour fumer sa cigarette. Dans la maison, les autres membres du groupe  inspectaient partout, prenant chacun ce qui lui convenait depuis le mobilier de salon de la maison jusqu’au riz et autres provisions... tel une bande de chacals, des hyènes se partageant la carcasse!!
Une fois, le pillage effectué, il y eut l’ordre de brûler la maison. Le corps de monsieur Hùng était resté à l’intérieur, sous la chaleur des flammes, il brûla et il ne resta plus qu’un squelette recroquevillé noirci!
Vers trois quatre heures de l’après-midi tout était terminé, il ne restait plus que quelques minces filets de fumée qui s’élevaient encore des cendres calcinées. Monsieur le Grand Cả Hạnh à cette nouvelle funeste, bien qu’il eut le cœur brisé, n’osait reconnaître son propre enfant de peur des représailles. Seule la mère de monsieur Hùng arriva sur les lieux. Avec l’aide des voisins, elle fit éteindre le feu et fouilla dans les cendres fumantes pour retrouver ce qui restait de monsieur Hùng, la carcasse calcinée... les voisins apportèrent un lit pliant en guise de brancard pour ramasser la carcasse et recouvrit le corps d’une simple couverture. Monsieur Ba Truợng portant sur le dos Mai Ly était revenu sir les lieux de drame...
... Mai Ly était en train de revivre ces terribles instants de son enfance. Pendant ce temps chị Tám avait fini de faire la poussière du salon, elle s’était approchée de la jeune fille:
- Oh, Mai Ly! Tu es encore là, je te croyais déjà partie!
Mai Ly releva la tête:
- Tante Trầm est allée au marché, elle m’a dit de rester à déjeuner.
- Je ne sais pas que tu es là, parce que tout est calme, pas un bruit. Mais pourquoi es-tu si triste, tu as pleuré?
- Je suis inquiète, je ne sais pas comment sont les gens, comment est-ce qu’ils vont m’accueillir et le travail aussi!
- Il ne faut pas trop t’en faire, s’ils sont corrects alors ça va, si cela ne va pas, alors tu cherches ailleurs!.
- Ailleurs, une autre place!
Mai Ly encore déprimée soupira:
- Mais où? Tu sais bien, j’ai été partout, j’ai sonné à une vingtaine de portes sans beaucoup de succès... je viens de trouver seulement depuis hier!
- Je suis sure que ça va aller, ça va être une bonne place et ça te plaira.
(...)
Les paroles de Chị Tám apportèrent une petite consolation à Mai Ly, elle était quelque peu rassurée, car la vie de celle-ci n’avait pas été des plus faciles, elle avait vu des vertes et pas mures... Elle avait connu des patrons riches et cruels, maintenant elle avait enfin eu la chance de tomber sur la famille de Madame Luong. Bien qu’elle soit fortunée, mais Madame Luong avait un tempérament simple et généreuse avec son personnel de service. Mai Ly et Chị Tám étaient encore en train de deviser gaiement à l’arrivée de Tante Trầm.
Le déjeuner fini, Mai Ly avec sa petite valise à la main se rendit vers sa nouvelle destinée, celle d’une gardienne d’enfants chez de nouveaux patrons.
La destinée
La main de la destinée est là qui attend...
La fleur encore en bouton s’abîme
dans l’immensité des flots...
Où donc se cache ce havre de paix?